Tourments et merveilles en pays khmer

Okoun tchraeun ! Merci beaucoup ! dit Dane Cuypers au fil des pages. Le Cambodge lui a beaucoup donné : silhouettes dégingandées des cyclo-pousses, filles aux yeux de star trimant dans des usines textiles, ondulation des lianes dans la forêt primordiale, ribambelle débonnaire de bonzes, fleurs de frangipanier dans la cour du centre de torture de S21… Douceur et violence, abondance et misère, rien de nouveau au Sud mais avec, dans ce pays, une acuité particulière due au choc entre un lointain passé glorieux et le cataclysme de l’histoire récente. Le roi Sihanouk a connu de Gaulle, Nehru, Nasser, Mao-Tsé-toung. Les sortilèges d’Angkor ont fait rêver Albert Londres, Pierre Loti, André Malraux. Le Cambodge, pays des apsaras, danseuses sacrées, demi-déesses dont Rodin tombe amoureux, mais que les Khmers rouges déciment. « Vivants vous êtes inutiles, morts vous engraissez la terre » : adage destiné aux intellectuels sous Pol Pot. Comment tout cela fut-il possible ? Dane Cuypers laisse la parole autant à des spécialistes qu’à des témoins. Sous le charme de paysages splendides, où, par ailleurs, règnent promoteurs, grande pauvreté et prostitution, enquêteuse à Prey Nop, sur les traces de Marguerite Duras qui forgea son écriture en pays khmer, ou éprouvée par la pollution et le vacarme de Phnom Penh mais goûtant le bonheur de rentrer dans « sa rue », Dane Cuypers nous propose un livre documenté comme un essai, sensible comme le journal d’une voyageuse.