Qui a fait le tour de quoi ?
Qui a fait le tour de quoi ?
Imaginez une histoire, une belle histoire, avec des héros et des traîtres, des îles lointaines où gîtent le doute et le danger. Imaginez une épopée, une épopée terrible, avec deux océans où s’abîment les nefs et les rêves, et entre les deux un détroit peuplé de gloire et de géants. Imaginez un conte — cruel, comme il se doit —, avec des Indiens, quelques sultans et une sorcière brandissant un couteau ensanglanté. Un conte, oui, mais un conte de faits : une histoire où tout est vrai. De l’histoire, donc. Cette histoire — celle de l’expédition de Fernand de Magellan et de Juan Sebastián Elcano —, on nous l’a toujours racontée tambour battant et sabre au clair, comme celle de l’entrée triomphale de l’Europe, et de l’Europe seule, dans la modernité. Et si l’on poussait à son extrême limite, jusqu’à le faire craquer, le genre du récit d’aventures ? Et si l’on se tenait sur la plage de Cebu et dans les mangroves de Bornéo, et non plus seulement sur la Victoria ? Et si l’on faisait peser plus lourd, dans la balance du récit, ces mondes que les Espagnols n’ont fait qu’effleurer ? Et si l’on accordait à l’ensemble des êtres et des choses en présence une égale dignité narrative ? Et si les Indiens avaient un nom et endossaient parfois le premier rôle ? Et si l’Asie tenait aussi la plume ? Que resterait-il, alors, du conte dont nous nous sommes si longtemps bercés ?
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Aline –