Les âmes sauvages
Les âmes sauvages
Ce livre particulièrement original est le résultat d’un travail de terrain de deux ans effectué dans le nord-est de l’Alaska chez les Gwich’in, une société de chasseurs-cueilleurs athapascans. Il nous fait entrer dans les mille manières par lesquelles les Gwich’in (les « petites gens ») parviennent à se défendre face à l’Occident et à ses crises, à se réinventer, à recomposer par fragment quelque chose comme une dignité. L’auteur explore la cosmologie indigène confrontée aux effets du réchauffement climatique (bien perçu par eux, à mille signes) mais aussi au monde occidental. On découvre une société de chasseurs animistes qui ne correspond en rien aux stéréotypes auxquels certains aimeraient les réduire. Face aux Occidentaux — missionnaires chrétiens, communistes de l’ex-URSS ou écologistes —, qui tentent de les discipliner (et de les transformer en cultivateurs de pommes de terre, en éleveurs de bovins ou en propriétaires terriens, ce qui nous vaut des récits désopilants), les Gwich’in ne cèdent rien de leur identité. Leur ontologie animiste, loin d’être un facteur d’arriération, leur permet de faire face, avec beaucoup d’efficacité, à la désorganisation et à la dégradation de leurs conditions de vie. Elle est vécue comme prolongeant un état de chose auquel ils sont déjà accoutumés : dans toute ontologie animiste, le statut et la place des choses et des êtres dans le monde ne sont jamais fixés une fois pour toutes. L’incertitude, la réversibilité et les métamorphoses permanentes sont, au fond, plus appropriées pour comprendre et s’adapter à l’instabilité environnementale actuelle que nos cadres de pensée plus fixistes. La beauté de cet ouvrage, servi par un style d’écriture subtil et rapide, et l’émotion qu’il procure, viennent de la stupéfiante présence de l’auteur, constamment attentive à ce qui lui arrive, à ce qu’elle ressent, à ce qu’elle comprend ou ne comprend pas.
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Aline –