Le Grand Nord sibérien dans « Ilir » d’Anna Nerkagui
Le Grand Nord sibérien dans « Ilir » d’Anna Nerkagui
Dominique Samson présente ici une page du XXe siècle de l’Arctique sibérien à travers l’histoire des Nénètses, peuple samoyède du Grand Nord. Cette approche thématique — toundra, tchown, clans, renniculture, Esprits, tradition orale — d’un univers bouleversé par la Révolution d’Octobre est illustrée par des extraits de l’œuvre Ilir de l’écrivain nénètse contemporain Anna Pavlovna Nerkagui, entrouvrant ainsi l’un des chapitres essentiels d’une Histoire autochtone qui n’en finit pas de s’écrire. Celui d’un monde traditionnel survivant dans ces quelques pages et bientôt renversé par les trains rouges de Lénine : « Les Nénètses sont d’incorrigibles optimistes. Un peuple polaire où l’extrême fait figure d’ordinaire, des Esprits-Maîtres que la modestie pousse à se percher sur un arbre ou écumer les eaux d’un lac plutôt que d’étouffer sous les ors d’une Église, une civilisation en équilibre sur le renne, l’harmonie avant le progrès : pas grand-chose à voir avec l’Homme Nouveau qui préoccupe la jeune Union soviétique. Les cadres du Parti défont la vie millénaire ; le nomadisme est hors-la-loi, la tradition orale doit laisser la parole aux livres d’école, le renne désacralisé devient un outil de production. Le Parti voudrait repeindre les racines du peuple à ses couleurs, redresser un arbre généalogique trop éloigné des petits-enfants modèles de Lénine, redessiner cet Eden brut en gisements pétrolifères et gazifères. Bref, le paradis est à portée de main du XXe siècle. Mais la petite-mère Russie n’entend pas courir seule l’aventure, aussi les Nénètses seront-ils traînés tour à tour dans le réalisme socialiste soviétique, dans la perestroïka, et puis aujourd’hui, dans l’économie de marché. »
L’ombre silencieuse des Esprits, piétinée dans la neige, s’est mise brutalement à saigner.
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