Journal de Marseille

« On arrive à la nuit tombée dans une ville inconnue, ou mal connue ; on ne dispose que de souvenirs vagues, ou seulement de ses yeux à ouvrir. On traverse des faubourgs, on longe des avenues sans nom, on repère ou croit repérer un monument, une place ; on s’y perd un peu ; on peinera demain à les retrouver ou à les reconnaître. Des sensations d’enfance sont liées pour moi à ces ténèbres et à ces lumières, que redouble et brouille le macadam quand il est mouillé. J’y retrouve, mêlées, la peur du monde et de la solitude, l’aspiration inquiète à l’intime et au familier, à la table, à la chambre ; mais aussi la fascination, l’appel du labyrinthe. » J’ai découvert Marseille voilà quelques années, lorsque j’avais entrepris de donner ma version du Comte de Monte-Cristo, héros marseillais comme on sait. J’y avais recueilli mille impressions, faits et gestes, personnages qui m’étaient demeurés à l’esprit. Je suppose qu’un écrivain parle toujours de lui-même, revenant à Marseille, la ville m’a parlé de celui que je suis aujourd’hui lui aussi dans le choc de l’avenir contre le passé, lui aussi tentant d’échapper au(x) rôle(s) attribué(s), lui aussi dans l’échange chaotique du même et de l’autre, de ce qu’il a été et de ce qu’il cherche à être.